LES PUITS COMMUNAUX
Jadis, notre village était séparé en deux par le cours du Mutterbach.
De part et d’autre de ses rives se trouvaient les habitations. Ce petit ruisseau était plus que précieux pour abreuver les animaux, arroser les jardins ou même laver le linge.
Presque à sec durant l’été, souvent il débordait largement l’hiver.
Alors qu’en 1665, le village ne comptait que quatre familles, en 1810, on dénombrait déjà 555 habitants. L’eau potable devenait un vrai souci.
En 1857, la commune disposait de 4 puits communaux. Ces puits existaient déjà certainement de longue date, puisqu’en 1832, la commune dut en faire reconstruire certains qui, avec le temps, s’étaient écroulés.
Par ailleurs, il y avait quelques rares puits privés, comme celui du presbytère, ou celui de l’école des filles, mais tous ces points d’eau étaient insuffisants pour satisfaire la consommation de tous les villageois.
En 1831, le conseil municipal fit établir un devis pour la construction d’un puits communal muni d’un système de treuil pour la remontée mécanique de l’eau. L’architecte SCHATZ de Sarreguemines joindra un plan de l’installation au devis estimatif d’un montant de 720,59 francs.
Ce système de seaux suspendus permettait un puisage plus rapide, surtout que l’abreuvage des animaux exigeait une grande quantité d’eau. Aucun document ne permet d’en préciser l’emplacement exact, mais il est fort probable qu’il s’agisse du puits principal situé au bas de la rue du village. Plus tard, comme tous les autres, il sera équipé d’une pompe manuelle.
Le 29 août 1832, l’ouvrage terminé, l’architecte se rendit sur les lieux, accompagné du maire et de deux conseillers municipaux afin de procéder à la réception définitive des travaux. L’assemblée étant satisfaite de l’ouvrage, l’entrepreneur put être réglé.
Mais le village ne cessant de s’agrandir, il fallut donc, 20 ans plus tard, trouver une nouvelle solution pour fournir au village la quantité d’eau potable nécessaire à sa consommation.
LE PROJET DE L’ARCHITECTE DESGRANGES
1853
En 1853, l’architecte DESGRANGES, proposa à la commune un devis ainsi que des plans estimés à 8.446,57 francs, pour la construction d’une fontaine.
Dès 1852, M. PARAMELLE, sans doute ingénieur des eaux, avait signalé un emplacement prometteur en vue de capter un volume d’eau suffisamment abondant en vue d’alimenter la future fontaine du village.
Dans son projet, l’architecte DESGRANGES reprit ledit emplacement.
A l’endroit indiqué, une tranchée de 30 m de longueur sur 2 m de largeur et 4 m de profondeur devait être ouverte afin de capter les eaux provenant de diverses veines.
Ces eaux devaient être ensuite acheminées par un aqueduc en pierres de taille sèches vers un réservoir, lui-même réalisé en pierres de taille.
Ce bassin, de formé carrée d’un 1 mètre de côté, devait reposer directement sur la roche dont on présumait l’existence, un second réservoir devant servir à recueillir le trop-plein.
Du réservoir principal, les eaux pouvaient donc, à l’aide de tuyaux en fonte, être dirigées vers le village. Le premier tuyau devait être maçonné à 30 cm du fond et recouvert d’une grenouillère en plomb. Assemblés entre eux et soudés au plomb, ils reposeraient sur des cales de pierres respectant la pente nécessaire pour le bon écoulement de l’eau.
Entre le réservoir et la fontaine, seraient répartis sept regards (de 1 m sur 0,80 m) clos à l’aide d’une pierre de taille.
Le bassin de la fontaine devait être entièrement réalisé en pierres de taille provenant de la carrière d’ETZLING.
Le pied central de la fontaine serait orné de masques de lion, armés de goulottes qui déverseraient l’eau dans le bassin.
Les moellons devaient provenir de la carrière de Farschviller et auraient un prix de revient de 2,55 francs le mètre cube. Le sable nécessaire pour faire le mortier viendrait, quant à lui, de Morsbach et serait livré pour 5,60 francs le mètre cube.
La chaux proviendrait des fours de Diebling pour un prix de revient de 19 francs le mètre cube.
Le 2 avril 1854, le conseil municipal vota un crédit de 440 francs afin de procéder à la recherche de l’eau selon les plans de l’architecte.
Le 9 septembre de la même année, après de longues recherches et sans aucun résultat valable, Nicolas THIRION, le maire du village informa le préfet de l’échec de ces recherches.
Il mentionne dans le même courrier l’existence, dans la forêt de Farschviller, d’une source appelée ‘‘Messelbrunnen’’ qui, à elle seule, avait jadis suffi à subvenir aux besoins de l’ancien moulin (et cela même durant les temps de la grande sécheresse).
Le maire proposa que l’on détourne les eaux du « Messelbrunnen » vers le village afin d’alimenter la fontaine.
Néanmoins cette idée ne semble pas avoir fait son chemin puisqu’il n’en sera plus jamais question ultérieurement.
LE PROJET DE L’ARCHITECTE WARIN.
- 1857 -
En 1857, la commune s’adressa à M. WARIN, architecte à Sarreguemines, pour l’établissement d’un projet concernant la réalisation de la fontaine tant attendue et si nécessaire aux villageois.
A 1,3 km de l’emplacement prévu pour la fontaine, à l’endroit appelé « Siegelwisse », jaillit une source jadis utilisée pour la fabrication des tuiles. Celle-ci fut jugée suffisamment puissante pour l’alimentation générale du village = on estimait alors son débit à 160 litres par minute. (L’architecte considérait même que son débit pouvait encore être augmenté après certains travaux. D’après les dires de l’époque, cette source ne s’était encore jamais tarie, même au plus fort de l’été ou durant les périodes de grande sécheresse).
D’après M. WARIN, cette eau pourrait être amenée au village dans des tuyaux en tôle bitumée, système appelé Chameroy. Ces tuyaux seraient enterrés à une profondeur de 1,20 m et un regard serait construit tous les 200 m. Une pente de 10 à 12 m devrait être respectée afin que l’eau puisse jaillir de la fontaine au centre du village.
Le jet d’eau s’élèverait à 3,32 m du sol et se déverserait successivement dans deux vasques avant de se jeter dans le bassin principal d’un diamètre de 4 mètres.
La première vasque déverserait son eau en gerbe dans la seconde. Et de celle-ci, l’écoulement se ferait par 6 figures sculptées. Dans la colonne centrale, trois dauphins laisseraient jaillir des jets permettant le remplissage de seaux.
Mais l’architecte n’en a pas encore conclu ses projets : le trop-plein de la grande vasque serait recueilli dans un réservoir voûté de forme circulaire permettant d’alimenter, durant un certain temps, une pompe à incendie. Un escalier de 14 marches d’une largeur de 1,60 m permettrait l’accès au réservoir.
Le trop-plein de ce réservoir servirait enfin à l’alimentation d’un abreuvoir, d’un lavoir et d’un point d’eau potable situé près du ruisseau, à 92 m de distance. Et 20 m plus loin, le restant de d’eau se déverserait dans un caniveau.
Autour du bassin central, 8 bornes circulaires, en pierre de taille, reliées les unes aux autres par des chaînes, empêcheraient les animaux d’accéder au bassin principal. Dans ce chaînage, trois passages seraient réservés aux personnes désirant puiser l’eau.
De plus, trois bornes-fontaines à robinet déverseraient de l’eau dans des auges en fonte, la première devant être placée contre le mur d’enceinte de l’église, la deuxième dans la rue du presbytère et la troisième près du pont.
A 92 m de la fontaine, se situeraient le lavoir et trois abreuvoirs.
Dans le projet de lavoir de M. VARIN, étaient prévus 2 grands bassins de lavage autour de chacun desquels pourraient trouver place 12 lavandières. Une chaudière en fonte, placée contre la façade latérale donnant sur le ruisseau, assurerait de l’eau chaude aux laveuses.
Le prolongement du lavoir serait converti en remise pour des pompes à incendie et des latrines.
L’architecte WARIN, conformément aux observations du conseil départemental de la Moselle pour les bâtiments civils et l’avis du conseil municipal, a donc revu l’ensemble de son projet à la baisse. Désormais, le devis se résume en trois points :
1. Le réceptacle d’eau du Ziegelbrunnen pour la somme de 690 francs.
2. La fontaine au centre du village pour la somme de 9.000 francs.
3. Deux bornes-fontaines pour la somme de 1.300 francs.
4. Le lavoir couvert pour la somme de 8.000 francs.
S’y ajoutent 947,50 francs pour les honoraires de l’architecte.
La dépense des travaux est donc ainsi réduite à 19.897,50 francs.
Le conseil municipal accepta ce projet, mais, par manque de financement, il demanda l’ajournement des bornes-fontaines et du lavoir couvert. Aussitôt, le 22 mars 1858, le sous-préfet approuva et permit le début des travaux.
Il faut savoir que, durant l’été 1857, tous les puits de la commune se sont taris et que la population manqua cruellement d’eau. Tant les personnes que les animaux eurent à connaître la souffrance de la soif : la fontaine était devenue la grande priorité.
Le projet initial comportait, entre autres, l’installation d’un réservoir voûté de forme circulaire permettant d’alimenter un certain temps une pompe à incendie : ce point fut supprimé. Afin de remédier à cela, le conseil municipal proposa de déverser le trop plein de la fontaine dans un premier puits de 14 m de profondeur se situant à 9 m de l’emplacement de la future fontaine. De ce puits et à l’aide d’un tuyau, le surplus d’eau s’écoulerait 40 m plus bas dans un second puits ayant une capacité de 900 à 1000 m3. Le surplus de ce second puits devait s’écouler dans la rivière toute proche. Selon eux, cela serait suffisant en cas d’incendie.
En outre, le conseil municipal demanda à ce que la fontaine fut surmontée d’une statue de la Vierge en bronze d’une hauteur d’environ 70 à 80 cm.
L’entreprise des frères PAUL, l’un de Pange et le second de Rethonfey, se vit confier l’exécution des travaux.
L’entreprise des frères PAUL, l’un de Pange et le second de Rethonfey, se vit confier l’exécution des travaux.
Dans un premier temps, il s’agit d’acheminer l’eau au village. A la source même, un réservoir en pierre de taille est construit pour récupérer l’eau.
Entre ce réservoir et la fontaine, 7 regards de 1 m sur 0,80 m, fermés par une pierre de taille, sont creusés. Des tubes en fonte de 1,50 m de long, pesant chacun 21,5 kg, relient la source à la fontaine.
Au départ, tous les habitants permirent que la conduite traverse leur terrain car tous avaient un grand besoin de cette eau. Mais, très rapidement, certains revinrent sur leur accord : il fallut donc revoir le tracé afin que celui-ci n’emprunte que les terres communales.
Toutefois, la plus grande œuvre jamais entreprise dans le village allait bon train
Et le 18 août 1858, les travaux sont finis et bien exécutés. Pour le plus grand bonheur de tous, l’eau coule. Ne reste qu’à poser des pavés devant le bassin principal.
Le village bénéficie désormais d’eau potable en quantité suffisante et tous les habitants se réjouissent de ce grand luxe.
Tous sont satisfaits, à l’exception de l’entrepreneur PAUL. En effet, au cours des travaux, l’architecte présenta un devis supplémentaire de 1.464,63 francs.
Dans un premier temps, le maire et son conseil refusèrent de signer l’augmentation, car il leur apparaît qu’un certain nombre de matériaux n’a pas été utilisé, que certains travaux restent à achever et qu’enfin d’autres n’ont pas été exécutés.
Soumis à diverses pressions, le conseil municipal finit par accepter ce devis supplémentaire. Toutefois, il posa deux conditions :
1. En premier lieu, il demanda que les travaux soient soumis à l’examen d’un architecte parlant allemand, afin que tous puissent comprendre les explications. A cette fin, le maire demanda au sous-préfet de désigner l’architecte SCHATZ de Sarreguemines.
2. En second lieu, le conseil indiqua qu’il n’approuvait ce devis qu’à la condition expresse qu’il puisse avoir un droit de regard sérieux sur le décompte que présenterait l’architecte WARIN, la commune ne réglant que les seuls matériaux dont l’emploi serait jugé indispensable à la construction de la fontaine ainsi que le montant des travaux reconnus nécessaires et réellement exécutés.
Le préfet accepta ces conditions et mandata l’architecte SCHATZ pour procéder à la réception définitive des travaux. Dans cet objectif, il lui faut disposer du devis préalable établi (ayant servi de base à l’adjudication des travaux exécutés) ainsi que des décomptes de M. WARIN.
En dépit des injonctions du préfet, l’architecte WARIN ne répondit pas. Mais sans réception définitive des travaux, l’entrepreneur PAUL ne pouvait percevoir l’intégralité de son dû.
Aussi, le 26 juin 1861, l’entrepreneur PAUL intenta une action en justice pour obtenir son paiement.
Cette affaire continua de s’éterniser jusqu’au 5 août 1862, date à laquelle le préfet lui-même réclama toutes les pièces du dossier.
Le 2 octobre 1862, WARIN se rendit à Farschviller. Avec les frères PAUL et le conseil municipal, il fut enfin procédé aux derniers examens ainsi qu’à la réception définitive des travaux.
M. ADOLPHE BOUR
L’ensemble des travaux, sans frais d’architecte, revint à 10.153,39 francs.
Compte tenu de la remise de 5%, soit 507,66 francs et des acomptes déjà versés, soit :
- 4.000 francs, le 19 juillet 1858,
- 3.500 francs, le 23 août 1858,
- 700 francs, le 26 septembre 1858,
- et 1.400 francs, le 10 janvier 1859, il reste à verser 45,73 francs : la commune règle le solde et l’affaire est enfin régularisée.
Bien inestimable en son temps, notre fontaine sera toutefois de plus en plus délaissée dès lors que l’eau courante sera installée dans le village.
Dans les années 1980, le lavoir sera finalement détruit et les abreuvoirs vendus. Aujourd’hui, un parking occupe le site. Seule la partie centrale de la fontaine (surmontée de la statue) a été conservée : elle est désormais visible à l’emplacement de l’ancien café de la fontaine
Ces vestiges sont là pour rappeler aux nouvelles générations combien l’eau est précieuse pour la vie : ne la gâchons pas !
NOUVELLES AUGES-ABREUVOIRS
Le 18 août 1858, l’eau tant attendue de la fontaine se mit enfin à s’écouler.
Sur l’arrière du monument de la fontaine, deux auges-abreuvoirs en pierre alimentées par le trop-plein du bassin central de la fontaine servaient aux animaux.
A une distance de 250 m de la fontaine, en contre-bas du village, près du ruisseau, (aujourd’hui au milieu de la route en face du numéro 25) se situait une troisième auge en pierre, elle aussi alimentée par le trop-plein de la fontaine, grâce à une conduite souterraine en plomb.
A l’époque, on pensait que le besoin en eau du village serait ainsi comblé pour très longtemps. Mais rapidement, il s’avéra que ces trois points d’eau ne pouvaient toujours pas suffire pour abreuver tous les animaux de la commune : de nouvelles auges se révélaient nécessaires.
Aussi, le 5 juillet 1859, le conseil municipal fit établir par l’architecte SCHATZ, un devis pour la réalisation de deux nouvelles auges-abreuvoirs en bois de chêne, goudronnées à chaud. Elles serviraient à la fois de réserve en cas de sécheresse et pour l’abreuvage des animaux. L’une serait située à côté de la fontaine et la seconde près de celle déjà existante au bas du village. Des pavés seraient installés autour de cette dernière.
On fit appel à François KIRSCH, maître charpentier de Puttelange, qui s’engagea à exécuter les travaux avant le 1er janvier 1860 pour la somme de 600 francs.
Ces nouvelles auges-abreuvoirs étaient longues de cinq mètres, avaient une largeur de 0,84 m et une hauteur de 0,70 m. Chacune d’elles représentait une réserve d’eau d’environ 3 m3.
Mais le bois est un matériau relativement fragile, surtout lorsqu’il est exposé l’année durant aux intempéries ; les auges-abreuvoirs se dégradèrent : en 1887, deux nouveaux abreuvoirs, cette fois-ci métalliques, seront installés entre la fontaine et le lavoir.
LE LAVOIR
Le procès d’adjudication des travaux de la fontaine du 23 mars 1868 comportait également la construction d’un lavoir et d’un abreuvoir.
A côté de la fontaine, légèrement en contrebas en direction du ruisseau, un mur d’enceinte renfermait un grand bassin divisé en trois : l’un plus grand et deux autres plus petits, mais de contenance équivalente. Dans l’une des 2 petites parties, une arrivée d’eau permettait la répartition de l’eau dans les deux autres.
Farschviller disposait bel et bien un lavoir, mais il n’avait rien à voir avec le lavoir prévu dans le luxueux devis du projet de l’architecte Warin, en 1857.
Les lavandières devaient se contenter d’un lavoir non couvert et non chauffé.
A cette époque, la lessive n’était pas quotidienne, comme il est souvent d’usage aujourd’hui : les draps des lits étaient alors changés tous les six mois et n’étaient lavés qu’en été. En ce qui concernaient les vêtements, seuls les sous-vêtements et les chemises blanches du dimanche bénéficiaient de quelques lavages supplémentaires, effectués à la maison, avec un peu d’eau préalablement chauffée.
En 1874, soit 16 ans après la construction de la fontaine, le conseil municipal envisagea deux autres nouveaux projets, à savoir la canalisation de la rivière sous la rue du village et la construction d’un autre lavoir plus confortable et de quelques abreuvoirs.
Pour des questions de commodité, l’architecte proposa de faire coïncider les deux projets.
Les abreuvoirs devaient être alimentés par l’eau provenant du puits situé à l’angle du futur lavoir, ce puits étant celui du bas de la rue du village.
Long de 10 m et large de 5,90 m, le lavoir devait être couvert d’une toiture et percé de plusieurs fenêtres.
Le devis pour la canalisation de la rivière sous la rue s’élevait à 19 600 marks et celui de la construction du lavoir et des abreuvoirs avait un coût de 2 600 marks : Trop cher !
Seul le projet de la canalisation de la rivière sera donc mis en œuvre. Une fois de plus, le lavoir sera sacrifié !
Et pour l’équivalent du coût du lavoir, on préféra investir dans la prolongation de 30 mètres de la canalisation du Mutterbach.